J'ai trouvé que l'article paru le 28 octobre 2008 dans le journal die Welt offrait un bon résumé de ces derniers temps de crise islandaise .
http://www.welt.de/wirtschaft/article26 ... reppa.html
Je vous mets ci-dessous une très rapide, donc pas irréprochable, traduction que j'ai faite :
L?Islande sous le choc - La vie après « Kreppa »
Les Islandais savent comment survivre aux tempêtes. Cela pourrait les aider à surmonter la crise. Les gens de cette île de l?Atlantique croient en une vie post Kreppa, le crash. Les Islandais ne veulent pas concevoir que leur success story touche à sa fin. En premier lieu, leurs voix s?élèvent contre l?attitude du gouvernement britannique.
Pour conserver les avoirs islandais au Royaume-Uni, Londres s?est référée aux lois anti-terroristes.
Actuellement, les Islandais se défendent par le biais d?une campagne internet. Tout d?abord, les Islandais souhaitent clarifier les choses : ils ne sont pas des terroristes. Sur la page web
http://www.indefence.is, ils s?évertuent à mettre de joyeuses photos pour justifier de leur caractère inoffensif. Cela paraît, au premier abord, comme une démonstration du solide humour scandinave en période de turbulences, mais en arrière-plan se dessine un amer conflit politique qui oppose l?Islande au Royaume-Uni.
Le 8 octobre, le premier ministre britannique a décidé d?appliquer une loi anti-terroriste pour permettre le gel des avoirs islandais. De nombreux Islandais sont convaincus qu?en l?absence de cette mesure la débâcle de la banque islandaise Kaupthing aurait pu être évitée. Avant tout, ils sont décontenancés par l?attitude britannique consistant à les placer au même rang que l?Iran et la Corée du Nord.
« Les Britanniques agissent comme s?ils formaient encore un empire », constate Ólafur Stephensen, le rédacteur en chef du quotidien Morgunbladid. « Les seuls amis que nous ayons encore sont apparemment les pays nordiques ». Mardi, ces états se rassemblèrent à Helsinki pour discuter de l?octroi d?une aide globale à l?Islande. Après que le Fonds monétaire international (FMI) a décidé de mettre sur la table, ces prochains jours, deux milliards de dollars, les voisins scandinaves ont convenu d?apporter quatre milliards supplémentaires.
Hier, le gouvernement islandais a d?ores et déjà augmenté les taux d?intérêts de 12% à 18%. Personne ne sait en ce moment si cette mesure permettra d?éviter une faillite de l?état. La seule chose dont on est certain en Islande, c?est l?incertitude qui règne. « Les gens sont encore sous le choc », rapporte un banquier islandais qui ne souhaite pas que son nom soit révélé. « Imaginez-vous, en Allemagne, si vous perdiez le même jour la Deutsche Bank, la Commerzbank et la Dresdner Bank ? vous seriez aussi tout chamboulé. ».
Mais il règne une confiance particulière en le fait que la crise sera maîtrisée d?une manière ou d?une autre. « Nous sommes habitués aux catastrophes naturelles et maintenant nous avons à gérer des catastrophes mathématiques », explique Andri Snaer Magnason. Magnason a écrit il y a deux ans le best-seller « Draumalandid » (pays de rêve) sur sa patrie. Avec ce livre, l?écrivain faisait partie avec Björk des figures symboliques du combat pour l?environnement, en s?élevant par exemple contre la construction de nouvelles centrales hydro-électriques sur l?île. Jusqu?à présent, il n?y a presque que des banquiers qui ont perdu leur travail, précise Magnason, mais personne ne sais ce que sera la suite.
Les Islandais ne considèrent pas être des terroristes.
Il est difficile pour de nombreux Islandais d?admettre que la réussite de leur nation touche à son terme. Il y a encore quelque années une étude sérieuse leur certifiait qu?ils vivaient dans « le pays à la plus grande qualité de vie au monde ». La richesse d?un ménage moyen s?était accrue de 45% lors des cinq dernières années. Le boom qu?a connu Reykjavík en a fait une des villes les plus en vue d?Europe. Des lotissements d?appartements, des tours de bureaux et un nouveau centre culturel ont vu le jour.
Cependant, plus de 3?000 des 10'000 Polonais estimés en Islande, lesquels travaillent surtout dans le secteur de la construction, ont quitté l?île. Qui voudrait encore envoyer des couronnes islandaises au pays ? Il n?y a pas long encore que des sociétés d?investissement islandaises, avant tout le groupe Baugur, opéraient des acquisitions, notamment des chaînes de supermarchés au Royaume-Uni. En outre, le PDG de Landsbanki, Björgólfur Gudmundsson, s?est offert le club de football de West Ham United. Au printemps de cette année, le chiffre d?affaires des banques islandaises était neuf fois supérieur au PIB. Pourtant, certains n?avaient pas manqué de lever un index avertisseur : Une si petite communauté ne supporterait pas une rapide expansion sur le long terme. « Début mai, l?expert financier Robert Aliber de l?Université de Chicago a tenu une conférence à Reykjavík et a mis en garde contre une bulle spéculative », a rapporté le renommé économiste islandais Thorvaldur Gylfason. Presque tout le gratin politique et économique islandais était présent à cette conférence. Aliber a, par ailleurs, expliqué que l?on devait séparer les activités nationales et internationales des banques afin d?éviter le pire. Mais personne n?a semblé entendre ses mises en garde. « La crise a avant tout deux causes : une croissance trop brusque et une surveillance défaillante. La politique et la crise économique sont étroitement liés, c?est ce qui explique pourquoi le contrôle est si modéré. », précise Gylfason en pensant à des personnes telles que David Oddsson. Le président de la banque centrale islandaise, lorsqu?il était premier ministre, s?était chargé de la privatisation des banques.
De nombreux Islandais ont d?importants crédits à l?étranger.
Mais il n?y a pas que l?élite qui s?est grisée à l?idée de vivre dans un état-dragon de l?Atlantique. De nombreux Islandais ont pris des crédits basés en euros ou livres sterling pour acquérir leurs maisons ou leurs voitures. Entre-temps la couronne islandaise a perdu plus de la moitié de sa valeur et ils ne peuvent plus payer leurs crédits. C?est la classe moyenne qui est la plus touchée par la crise. La plupart des Islandais qui étaient actionnaires l?étaient de banques, car celles-ci sont les entreprises les plus importantes du paysage économique islandais. Le rédacteur en chef du Morgunbladid Stephensen assure que 50% à 80% des Islandais ont perdu leur épargne. Par ailleurs, les fonds de pension sont en posture très délicate. Le chômage, quant à lui, a doublé, passant de 1,3% à 2,6%. Les pronostics pour les mois à venir sont de l?ordre de 6% à 8%. Pour un pays qui est habitué au plein emploi, la situation est dramatique. Dans les journaux, l?on se demande si la crise signifie la fin des
Krúttkynslódin, la génération gâtée.
C?est une nouvelle génération, celle des buveurs de lait macchiato écolos dans l?âme, qui subit pour la première fois de son existence des conditions de vie dures. « Nous sommes en train de vivre un sévère changement des mentalités », explique Andri Snaer Magnason. « Jusqu?à récemment, on parlait dans les magazines lifestyle uniquement de 4x4, d?écrans plats et de cuisines ultra-design. Maintenant, les gens sont tristes lorsqu?ils voient ça. » Les propriétaires de Range Rover ne prennent plus leur voiture, pour qu?on ne pense pas qu?ils soient à l?origine de la crise. »Les gens sont furieux, mais ils ne savent pas comment extérioriser leur colère », rapporte Magnason. Le premier ministre Haarde explique qu?il est prudent pour l?heure de ne pas se poser les questions de responsabilités. Il faut d?abord maîtriser la crise. Toutefois, les Islandais ne sombrent pas dans une dépression collective. « Je ne prétendrais pas que l?optimisme est dans l?air, mais on ressent une réelle volonté de faire face », est d?avis Stephensen.
Les Islandais sont accoutumés aux périodes difficiles et aux crises
Andri Snaer Magnason aussi a confiance en le courage du peuple islandais : « La culture islandaise est une culture de crise », dit-il. « Nous vivons sur une île volcanique, qui depuis mille ans essaie de nous faire tomber. » Il ne s?en inquiète pas outre-mesure. La génération de nos grands-parents, qui était habituée à des conditions de vie pénibles, partageait des valeurs, sur lesquelles on réfléchit de nouveau. Entre autres, la capacité de s?en sortir avec peu. « En lieu et place du parmesan, l?on ressort le slátur », la saucisse de foie islandaise que les familles préparent traditionnellement l?automne venu. Faire soi-même son slátur est récemment devenu trendy », observe Magnason « Cela nous rappelle que nos grands-mères, qui se satisfaisaient de peu, n?étaient pas pour autant malheureuses. »
Magnason voit deux scénarios pour que l?Islande sorte de la crise : dans le meilleur des cas, dans cinq ans, l?on se retournera et l?on pourra constater que la crise était un nouveau point de départ. Beaucoup de talents étaient monopolisés par les banques. Ils devront maintenant se trouver de nouvelles activités. Cela pourrait, comme l?espère Magnason, remettre des énergies créatives sur le marché de l?emploi. Dans le pire des cas, l?Islande risquera de voir ses jeunes biens formés s?exiler. Il est à craindre, si les conditions posées par le Fonds monétaire international (FMI) et d?autres créanciers à l?Islande pour l?octroi de prêts, se durcissent, que l?économie n?ait aucune chance de se rétablir. De nombreux médias parlent déjà du danger d?un Pacte de Versailles pour l?Islande.
Mais les Islandais se considèrent comme un peuple de durs travailleurs, ce n?est pas pour rien que l?un des mots les plus importants en islandais est l?adjectif « duglegur », à savoir « travailleur ». Et il n?y a pas que Andri Snaer Magnason pour ne pas tomber dans un discours alarmiste consistant à dire que l?Islande pourrait retomber dans l?âge de pierre. Le président Olafur Grimmson aussi, qui a dû annuler une visite prévue cette semaine en Allemagne, en raison des turbulences traversées par l?Islande, s?adresse aux journalistes allemands en parlant des solides fondations de l?économie islandaise. Nous avons des quantités de poissons, 900'000 moutons, des touristes attirés par les beautés merveilleuses de notre pays, et avant tout d?importantes ressources énergétiques renouvelables.
L?île volcanique peut grâce à la géothermie et à l?énergie hydraulique couvrir 90% de ses besoins et chauffer ses trottoirs en hiver.
Ce qui à chaque fois revient sur le tapis est la question de l?entrée dans l?UE et l?introduction de l?euro. Les partis ont toujours rejeté cette idée, avant tout pour protéger l?industrie des pêches, bien qu?une majorité de la population y soit favorable. Maintenant l?opposition se fragilise. La fédération des syndicats s?est déjà exprimée pour une entrée dans l?UE, des économistes comme Gylfason plaident depuis des années en faveur de cette idée. Désormais, on attend que le gouvernement se dirige vers une entrée dans l?UE. « Nous devons montrer au monde que nous sommes des partenaires sérieux et responsables. », dit Gylfason, qui, à l?instar de ses compatriotes, n?a pas perdu son sens de l?humour. Quand on lui demande son avis sur les conséquences à long terme de la crise, le professeur d?économie répond seulement : « Ce qu?il y a de cocasse dans les crises financières, c?est qu?elles n?ont aucune conséquence à long terme. »