snjor a écrit :Il ne faut pas oublier qu'ils font partis des peuples qui chassaient la baleine par nécessité (comme les Norvégiens ou les Groënlandais) et c'est entré dans les m?urs, dans leur mode de vie.
Contrairement à une idée reçue, il faut savoir que l'Islande n'a jamais été, au cours de son histoire, un pays de chasse à la baleine.
Il n'existe pas de tradition baleinière nationale en Islande.
Depuis la colonisation de l'Islande par les vikings au 9ème siècle, la baleine n'avait jamais été chassée. Les populations littorales se contentaient de se partager (ou se disputer !) les baleines qui venaient s'échouer sur les côtes et y mourir de mort naturelle. Les Sagas islandaises en témoignent en de multiples passages.
Ce n'est qu'au 19ème siècle que des stations baleinières ont été installées en Islande, par des étrangers (d'abord des Basques Espagnols, puis des Norvégiens) dans les fjords du Nord-Ouest et de l'Est. L'Islande était alors un pays extrêmement pauvre, dont les maigres ressources étaient pillées par des Etats plus puissants.
Ce fut le cas pour les baleines, très abondantes dans les eaux islandaises, ce qui a permis à cette activité lucrative de se développer très rapidement, aidée par les progrès technologiques (canon lance-harpon). Ainsi, la période de 1883 à 1915 a connu une véritable sur-exploitation, notamment par les Norvégiens.
A cette époque, les baleines n'étaient pas chassées pour leur viande, mais pour leur graisse que l?on faisait fondre sur place. L?huile obtenue, conditionnée en barils, était un produit de qualité dont toute l?Europe était consommatrice. Elle servait pour la fabrication du savon et pour l?éclairage des villes.
Avec les fanons cartilagineux de certaines espèces, on produisait également des "baleines" qui étaient utilisées dans la fabrication des parapluies et des ombrelles, mais aussi pour faire des armatures de corsets pour les dames et des raidisseurs de cols de chemise pour les messieurs. Cette matière flexible, facile à travailler et résistante à l?eau était en quelque sorte l?ancêtre des matières plastiques.
Mais cette sur-exploitation, qui ne faisait aucun cas de ce qu'on appelle aujourd'hui "la gestion de la ressource", a rapidement abouti à raréfier les cétacés dans les eaux islandaises.
A début du 20ème siècle, l'Islande s'est inquiétée du pillage de ses eaux territoriales, et dès 1915, le parlement islandais a voté une loi interdisant toute chasse à la baleine. Ce moratoire islandais a duré jusqu'en 1948, permettant à la population de baleines de se reconstituer rapidement.
L'Islande a ainsi été, historiquement, le premier pays au monde à interdire la chasse baleinière !
En 1948, devant l'extrême abondance des baleines dans ses eaux, l'Islande a autorisé la reprise de la chasse baleinière, jusqu'en 1986, année à partir de laquelle elle a décidé d'appliquer le moratoire décrété par la Commission Baleinière Internationale (CBI, IWC en anglais), suspendant ainsi, à nouveau rigoureusement, toute chasse baleinière pendant 17 ans, jusqu'en 2003.
A partir de 2003, sous la pression de grands groupes de pêche, l'Islande a décidé la mise en place de programmes de chasse dite "scientifique", portant sur un petit nombre de baleines de Minke (ou petits rorquals). L'économie de l'Islande dépendait alors à plus de 70 % de la pêche, et cette décision était justifiée par les observations de l'organisme national de gestion des ressources halieutiques qui craignait une prolifération excessive des baleines de Minke.
Il faut savoir que la baleine de Minke, notamment, se nourrit de poissons et de calamars, ce qui la fait entrer en concurrence avec les pêcheries islandaises lorsqu'elle prolifère trop (plus de 5000 de ces cétacés étaient alors recensés dans les eaux islandaises).
Après trois ans de chasse dite "scientifique", sur la base de quotas restreints, le gouvernement Islandais a décidé partir d'octobre 2006 la reprise de la chasse "commerciale" à la baleine, sur une base annuelle d'abord limitée à 39 baleines, dont 30 baleines de Minke, ce quota étant porté à 250 baleines (100 baleines de Minke et 150 rorquals communs) pour 2009.
Cette décision ne reposait pas sur les perspectives du marché national, structurellement minuscule et peu enclin à la consommation de cette viande, mais plutot, en fait, sur des accords commerciaux passés avec le Japon, susceptible d'acheter chaque année une partie des produits de la chasse baleinière islandaise.
Suscitant aussitôt une large réprobation internationale, cette reprise de la chasse "commerciale" a fait l'objet d'une communication officielle aux ambassadeurs étrangers en poste à Reykjavík, expliquant les motifs officiels de la mesure : la prolifération excessive de certaines espèces de baleines dans les eaux islandaises et leur impact trop important sur les ressources halieutiques nationales.
En fait, le quota fixé pour 2009 n'a pas été atteint. La campagne s'est cloturée en novembre avec la prise de 80 baleines de Minke et 125 rorquals communs. Des quotas non atteints, non pas à cause du manque de baleines dans les eaux islandaises, mais plutôt en raison de la faiblesse du marché, tant national qu'à l'exportation.
Il faut savoir qu'en Islande, c'est une seule compagnie baleinière ("Hvalur") et un seul grand patron de pêche, Kristjan Loftsson, qui pratiquent la chasse baleinière. Lorsque l'Islande a repris la chasse commerciale en 2006, ce fut à l'initiative de cette compagnie et avec le soutien du gouvernement de l'époque qui lui a concédé les licences nécessaires.
Mais la viande de baleine n'est que peu prisée en Islande. Seuls 5 % de la population dit en consommer occasionnellement. Suite à la mévente de la viande de baleine sur le marché national et aux difficultés pour exporter cette viande, les stocks congelés sont phénoménaux (1500 tonnes, de l'aveu même du patron de la compagnie baleinière "Hvalur"). Des stocks rendus possibles par l'électricité islandaise à très bas prix et les milliers de m2 d'entrepôts frigorifiques devenus disponibles en raison de la diminution des quotas de pêche (nulle part au monde on ne pourrait mettre en ?uvre une telle logistique de stockage/congélation).
Il faut savoir aussi que le Japon est le seul débouché commercial possible pour l'exportation de viande de baleine islandaise. Le commerce international de cette viande est en effet prohibé par la Convention de Washington sur le commerce des espèces menacées (CITES), et seuls l'Islande et le Japon ont formulé officiellement des "objections" légales, leur permettant un commerce bilatéral de ces produits.
Mais le Japon est lui-même chasseur de baleines, et à beaucoup plus grande échelle que l'Islande. Or, ce pays est lui aussi confronté à une désaffection de la consommation intérieure de cette viande. Il possède également de larges excédents de stocks congelés.
Enfin, le drame qui a frappé le Japon ces derrniers mois a désorganisé les structures d'importation, de conditionnement et de commercialisation de la viande de baleine.
Lors d'un tout récent déplacement au Japon, Kristian Loftson a compris que le marché japonais n'existait plus pour lui, du moins cette année.
C'est dans ce contexte que l'Islande a décidé ces derniers jours de ne pas lancer sa campagne annuelle de chasse baleinière, comme elle le fait d'habitude fin mai - début juin. Kristian Loftson n'exclut pas cependant une campagne tardive si les perspectives japonaises se réactivaient dans quelques mois.
En 2010, un autre paramètre économique est venu inquiéter quelque peu le baleinier Islandais ...
Kristian Loftson, le patron de "Hvalur" possède également des intérêts dans une des plus importantes compagnies de pêche islandaises, dont les produits sont exportés notamment au Royaume-Uni.
Or, les Britanniques, parmi lesquels les opposants inconditionnels à toute chasse baleinière sont nombreux, ont lancé de vastes campagnes de boycott sur le thème "N'achetez pas le poisson du baleinier Islandais" !
Parallèlement, les scientifiques et les nutritionnistes du monde entier font savoir désormais que la viande de baleine (d'où qu'elle vienne) est contaminée par d'importantes quantités de métaux lourds issus des polluants océaniques, notamment le mercure, particulièrement dangereux pour pour les enfants et les femmes enceintes. En effet, les baleines, animaux à longue durée de vie et placés au sommet des chaînes alimentaires, ont la tragique capacité de concentrer dans leur chair et leur graisse tous ces toxiques. Ces informations à caractère sanitaire ont également un impact sur le marché et sur les prix.
Enfin, l'opinion mondiale, notamment chez les jeunes générations, est de plus en plus hostile à la chasse baleinière, tant pour des raisons éthiques que pour des motifs tenant à la préservation d'espèces figurant parmi les plus extraordinaires du patrimoine vivant de la planète.
Tous ces faits vont dans le sens des arguments des opposants Islandais à la chasse baleinière, de plus en plus nombreux dans le pays, notamment parmi ceux qui soutiennent les activités de "whale-watching", en pleine expansion.
L'Islande est en effet devenue ces dernières années un des pays-phares dans le monde pour l'activité touristique liée à l'observation des baleines, une activité "éco-compatible", durable, particulièrement positive en termes d'image pour le pays, et qui rapporte beaucoup plus de richesses et crée incomparablement plus d'emplois que la chasse baleinière.
Comme on le devine à travers tous ces aléas, ce n'est ni la loi internationale ni la pression des écologistes qui mettra (peut-être) un jour un terme à la chasse baleinière islandaise ... Ce sont tout simplement les lois du marché ...
Chris.